Plomb et composés (7439-92-1) / Acide delta aminolévulinique (ALA U) urinaire - Biotox - INRS (2024)

Toxicocinétique – Métabolisme [ATSDR 2020, Anses 2019, Klotz 2017]

Plomb et dérivés inorganiques

L'absorption du plomb dépend de la spéciation (ou espèce chimique), de la solubilité du composé dans le milieu biologique considéré, ainsi que de la granulométrie du composé.

L'absorption des vapeurs de plomb se fait par voie respiratoire, celle des poussières inhalées se fait par voies respiratoire et surtout digestive. Environ 30 à 50% du plomb inhalé sont absorbés, selon la granulométrie des particules, leur solubilité et la ventilation des personnes exposées.

Les particules de diamètre médian < 1 µm sont celles qui peuvent se déposer dans les alvéoles où elles sont susceptibles d'être absorbées ; leur passage systémique est d'autant plus important qu'elles sont plus hydrosolubles ou acido-solubles.Les particules de diamètre supérieur à 2,5 µm se déposent dans les voies respiratoires ciliées (nasopharynx et région trachéo-bronchique), elles sont drainées vers le carrefour aéro-digestif et, finalement, dégluties.

En pratique, dans la plupart des situations d'exposition professionnelle, l'absorption des poussières est principalement digestive. Chez l'adulte, environ 3 à 10 % de la dose ingérée sont absorbés, principalement au niveau du duodénum. Un mécanisme de transport actif saturable serait en partie impliqué. L’absorption est augmentée par le jeûne, la carence martiale, les régimes pauvres en calcium et par la vitamine D. Elle est d’autant plus importante bque les particules ingérées sont plus solubles et plus petites.

Le passage transcutané des dérivés inorganiques du plomb est très faible (< 0,5 %) si la peau est intacte. La pénétration des poussières déposées sur la peau des mains est digestive, résultant du contact main-bouche et de la contamination d'aliments ou d'objets portés à la bouche.

L'élévation de la plombémie débute dès la 1 ère journée d'exposition et atteint après un mois (lors d'ingestion) et 50 heures (lors d'inhalation) un plateau proportionnel au niveau d'exposition ; l'atteinte d'un plateau peut prendre près de 120 jours lors d'expositions prolongées à des niveaux élevés.

La distribution du plomb dans l'organisme se fait selon un modèle tri-compartimental (sang, tissus mous et os), avec des cinétiques d'élimination différentes : environ 30 jours dans le sang et les tissus mous et de 10 à 30 ans dans le tissu osseux. A l'état d'équilibre (120 jours après le début de l'exposition), le plomb sanguin (Pbs) ne représente que 1 à 2 % de la quantité présente dans l'organisme. Dans le sang, lorsque la plombémie est inférieure à 400 µg/L, 99 % du plomb se trouvent dans les hématies. La fraction plasmatique augmente un peu aux plus fortes concentrations. Les tissus mous contiennent 5 % de la dose interne et la plus grande partie du plomb biologiquement actif. Chez l'adulte, près de 95 % du plomb présent dans l'organisme se trouvent dans l'os. Le plomb fixé sur l'os trabéculaire est, comme celui des tissus mous, biologiquement actif et facilement mobilisable. Le plomb lié à l'os compact constitue l'essentiel du plomb osseux ; il ne produit pas d'effet toxique et ses mouvements sont très lents, couplés à ceux du calcium. En conséquence, sa concentration augmente avec l'âge. Il est redistribué, en cas de déplétion des autres compartiments et par tous les phénomènes entraînant une déminéralisation : grossesse, allaitement, ostéoporose, immobilisation prolongée, tumeur osseuse...Le plomb traverse facilement la barrière placentaire. A la naissance, les plombémies de la mère et de l'enfant sont très voisines.

L'excrétion du plomb est principalement urinaire (> 75 %) et fécale (15-20 %). La demi-vie d'élimination du plomb est très augmentée en casd'insuffisance rénale. Il existe également une faible excrétion via les phanères et la sueur ainsi que via le lait maternel (la concentration de plomb dans le lait maternel représente entre 10 et 50 % de la plombémie).

A l'arrêt de l'exposition, la cinétique d'élimination du plomb sanguin qui dépend essentiellement de la charge corporelle, est polyphasique : après une exposition unique, la première période a une demi-vie très brève (30 minutes à quelques heures), elle correspond à une phase de distribution ; pendant la seconde période, qui correspond à l'élimination du plomb des tissus mous, le temps de demie décroissance de la plombémie est d'environ 30-35 jours ; pendant la phase terminale, qui correspond à l'élimination du plomb osseux, la demi-vie est supérieure à 10 ans. De plus, la demi-vie d'élimination du plomb sanguin s'allonge avec la durée de l'exposition (en théorie : pour une durée d'exposition de 1 an la demi-vie sera de l'ordre de 270 jours ; pour une durée d'exposition de 30 ans elle sera d'environ 450 jours).

Dérivés organiques

Il existe une mention de la DFG signalant le risque de passage percutané pour le plomb tétraméthyle et tétraéthyle. Les dérivés organiques sont absorbés par toutes les voies et métabolisés en partie en plomb inorganique (déalkylation oxydative via le système des cytochromes P450)La majorité du plomb tétraéthyle est excrété dans les urines sous forme de plomb diéthyle (et en moindre partie plomb triéthyle) et plomb inorganique. Après exposition par inhalation, les composés tétraalkylés sont également éliminés dans l’air exhalé.

Indicateurs biologiques d'exposition

Plomb et dérivés inorganiques

Certains tests sont le témoin de l'exposition : plombémie, plomburie spontanée ou provoquée, plomb osseux. D'autres sont les témoins des répercussions sur l'organisme : acide delta aminolévulinique urinaire (ALA U), protoporphyrines intraérythrocytaires (PPE) en particulier sous forme de protoporphyrines zinc (PPZ), mais aussi de protoporphyrines libres (coproporphyrinurie...).

Indicateurs d'exposition ou de dose interne

- La plombémie (sur sang total) est le meilleur indicateur d'exposition au plomb des semaines précédentes, lorsque l'exposition est stable. La relation plomb sanguin et concentration en plomb atmosphérique est linéaire (au moins lorsque cette dernière est < à 50 µg/m 3). La VLEP-8h réglementaireet contraignante pour le plomb est de 100 µg/m 3. La plombémie est une mesure ponctuelle témoignant de l'exposition récente ; elle ne mesure pas la charge en plomb de l'organisme (puisque la plombémie ne représente que 1 % de la charge corporelle). A distance de tout contact avec le plomb, elle sous-estime le pool de plomb ; dans les jours qui suivent une contamination massive, elle le surévalue. Elle s'élève dès le début de l'exposition (J1), elle varie en fonction des pics d'exposition pour atteindre un état d'équilibre trois mois après le début de l'exposition (quand cette dernière est stable).

La valeur limite biologique (VLB) de 180 µg/L proposée par l'ANSES est basée sur la relation avec les effets neurocomportementaux. Des valeurs biologiques de référence (VBR) de 85, 60 et 45 µg/L respectivement chez les hommes, les femmes et les femmes susceptibles de procréer sont également proposées, correspondant au 95ème percentile des valeurs mesurées dans la population générale française (données de l’étude française ENNS [Fréry] disponibles au moment du rapport). Pour les femmes susceptibles de procréer, l’Anses recommande de ne pas dépasser la VBR de 45 µg/L dans la mesure où il n'est pas possible d'identifier un seuil sans effet sur la reproduction (risque accru d'avortements précoces, prématurité, petit poids à la naissance, retard de développement post-natal observé pour des plombémies < 100 µg/L) [Anses]. Publiées en 2020, les données de l’étude Esteban (2014-2016) permettent d’estimer le 95ème percentile de la plombémie parmi les adultes âgés de 18 à 74 ans à 59, 39 et 28 µg/L respectivement chez les hommes, les femmes et les femmes en âge de procréer dans la population générale française [Santé publique France, 2020].

Des valeurs biologiques d’interprétation (VBI) pour la plombémie, établies pour protéger vis-à-vis des effets neurologiques, ont également été proposées par d’autres organismes : le RAC, Echa (Union européenne), la DFG (Allemagne), l’ACGIH (Etats-Unis), le FIOH (Finlande) (voir Renseignements utiles pour le dosage de Plombémie - Plomb sanguin).

D'après les données biométrologiques du HSL (5 876 prélèvements de 2012 à 2015), le 90 ème percentile des valeurs de plombémie est de 310 µg/L chez des sujets professionnellement exposés.

- La plomburie spontanée est un médiocre indicateur de l'exposition au plomb inorganique et de sa dose interne.

- La plomburie provoquée par l'EDTA calcicodisodique est un bon indicateur de la dose interne de plomb. Elle en reflète le pool biologiquement actif. Elle permet d'identifier les individus qui peuvent bénéficier d'un traitement chélateur. L'épreuve de plomburie provoquée n'est, toutefois, pas sans danger, parce qu'elle entraîne une rapide redistribution du plomb qui pourrait aggraver ou faire apparaître des complications neurologiques et rénales de l'intoxication, si un traitement chélateur ne faisait pas immédiatement suite au test. Cet examen complémentaire ne pouvant être effectué que dans des centres médicaux spécialisés, il convient d'en limiter les indications.

- La concentration osseuse du plomb mesurée, in vivo, par fluorescence X est un excellent indicateur de la dose interne de plomb. Mesurée dans l'os spongieux (calcanéum, par exemple), elle reflète le pool biologiquement actif ; mesurée dans l'os compact (zone médiane du tibia, par exemple), c'est un indicateur de la charge corporelle totale de plomb. Les mesurages entraînent une irradiation inférieure à celle d'un examen radiographique

classique. Cependant, cette technique appartient encore au domaine de la recherche.

Indicateurs d'effets précoces

Le plomb inhibe plusieurs des enzymes intervenant dans la synthèse de l'hème, en particulier la déshydratase de l'acide delta-aminolévulinique (ALA), l'hème synthétase et à un moindre degré, la coproporphyrinogène décarboxylase, entraînant une élévation de la concentration urinaire de l'ALA et de la coproporphyrine et de la concentration érythrocytaire de protoporphyrine et de son chélate de zinc, la protoporphyrine-zinc (ZPP). Ces indicateurs d’effets ne sont pas suffisamment sensibles pour un dépistage d’effets précoces liés au plomb.

- La protoporphyrine érythrocytaire (PPE) ou sa fraction liée au zinc (PPZ) sont des indicateurs de l'exposition des mois précédents (95 % des protoporphyrines sont liées au zinc). La PPZ est l'indicateur à utiliser de préférence à la PPE, car il est plus facile et moins coûteux à mesurer. La PPZ est fortement corrélée à la plombémie lorsque celle-ci est comprise entre 350 et 800 µg/L ; pour des plombémies de l'ordre de 500 µg/L, la PPZavoisine 20 µg/g. Hb (pour certains 7 µg/g. Hb). En cas d'exposition stable et prolongée, la PPZ est un bon indicateur du pool de plombbiologiquement actif. La PPZ s'élève plus tardivement que l'ALA urinaire, de 2 à 3 semaines après le début de l'exposition, mais dès que laplombémie atteint 200 µg/L et n'augmente plus au-delà d'une plombémie de 900 µg/L ; les concentrations diminuent lentement (en 2 à 4 mois après l'arrêt de l'exposition, voire 1 année). Les résultats devront toujours être exprimés en µg/g. Hb. Chez les individus qui ne sont pas exposés au plomb, la PPZ est inférieure à 3 µg/g. d'hémoglobine. Le principal inconvénient pratique de cet indicateur est l'interférence avec la carence martiale qui augmente la PPZ. Le déficit en fer est rare dans la population d'adultes masculins qui constitue l'essentiel de la population de travailleurs exposés au plomb.

- L'ALA urinaire est le témoin des effets sur l'organisme après une exposition récente : c'est un bon test en milieu professionnel en cas de forte exposition brève ou accidentelle. La porphyrie aiguë intermittente, la tyrosinémie héréditaire et, à un moindre degré, les maladies hépatiques et le stress, quelle qu'en soit la cause, peuvent aussi augmenter l'ALA U. En cas d'exposition intense, il s'élève précocement dès la deuxième semaine et est bien corrélé à la plombémie quand celle-ci atteint 600 µg/L. Sa sensibilité est médiocre : l'ALA commence à s'élever que lorsque la plombémieatteint 350 µg/L et se normalise rapidement (dans les 15 jours) à l'arrêt de l'exposition. En pratique, ce n'est plus un indicateur assez sensible pour être utile à la surveillance des travailleurs exposés au plomb quand leur plombémie est inférieure aux valeurs limites réglementaires.

- L'ALA-déshydratase (ALAD) catalyse la condensation de deux molécules d'ALA, aboutissant à la production de porphobilinogène. La plombémie n'entraînant pas d'inhibition de l'ALAD est inférieure à 100 µg/L. Le blocage de l'enzyme est complet lorsque la plombémie est au moins égale à 900 µg/L. La corrélation avec la plombémie n'est acceptable qu'en dessous de 400 à 600 µg/L (selon la méthode de dosage de l'ALAD). D'autres métaux que le plomb inhibent cette enzyme et la conservation des prélèvements est difficile. Tous ces inconvénients expliquent que cet indicateur ne soitplus aujourd'hui recommandable, au moins pour un dépistage, un diagnostic ou un suivi individuel et de routine.

Dérivés organiques

Le dosage du plomb sanguin n'est pas un bon indicateur.

Le dosage du plomb urinaire est le paramètre le mieux corrélé à l'exposition au plomb tétraméthyle et tétraéthyle. Au-delà de 200 µg/L de plomb urinaire, des signes d'intoxications apparaissent.

Interférences - Interprétation

Le dosage de la plombémie nécessite une parfaite technique de prélèvement étant donné le risque de contamination de l'échantillon : lesprélèvements doivent être faits en dehors des locaux de travail, chez des sujets douchés ne portant pas leurs vêtements de travail (un dosage le lundi matin est préférable). La peau doit être parfaitement lavée avant le prélèvement (sang total non coagulé, non décanté) qui sera fait avec un dispositif d'aspiration sous vide dans un tube garanti sans plomb (bouchon compris) sur anticoagulant (EDTA ou héparine). Les contaminations métalliques étant le principal écueil lors de l'analyse des éléments traces, il est nécessaire de prendre certaines précautions lors du prélèvement (aiguille, tubes, bouchons, antiseptiques...) et de l'acheminement (conservation, transport) au laboratoire. Pour cela, il est primordial que le médecin du travail prenne contact avec le laboratoire effectuant l'analyse (mais également avec celui qui fait le prélèvement s'il est différent) afin de se faire préciser les modalités de prélèvements (tubes spéciaux) et d'acheminement et les pièges à éviter.

D'un point de vue médico-légal, les dosages doivent impérativement être faits par des laboratoires accrédités depuis le 1 er janvier 2012 (arrêté du 15 décembre 2009 relatif aux contrôles du respect des valeurs limites biologiques fixées à l'article R. 4412-152 du code du travail pour les travailleurs exposés au plomb et à ses composés et aux conditions d'accréditation des laboratoires chargés des analyses).

Dans l'interprétation des résultats de plombémie, on tiendra compte du sexe (plombémie plus élevée chez les hommes), de l'âge (plombémie augmentant avec l'âge), des sources d'exposition extra-professionnelle liées à l'environnement (gaz d'échappement), à l'alimentation (eau potable peu calcaire dans des conduites en plomb, alcool, aliments acides conservés dans des récipients émaillés), aux loisirs (tir en salle, restauration de vieilles peintures…) ; le tabagisme actif et passif peut augmenter la plombémie par la contamination main-bouche, la présence de plomb dans les cigarettes, ou l'élévation de l'hématocrite entraînant une augmentation de la capacité de transport du plomb par le sang. La spéciation est également à prendre en compte, la biodisponibilité des différentes formes de plomb (oxyde, métal, silicate), auxquelles le salarié est exposé, étant variable. L'incertitude associée à l’analyse (qui doit respecter les critères de performance fixés par la norme NF EN ISO 15189) doit être prise en compte dans l'interprétation (voir la rubrique "Questions-réponses" dès la page d'accueil de Biotox).

Le prélèvement d'ALA urinaire est sensible à la lumière.

Une carence en fer, une anémie hémolytique ou un trouble du métabolisme de l'hémoglobine et des porphyrines peuvent entraîner une augmentation de la PPZ. Si l'analyse de la PPZ est faite par hématofluorométrie, un résultat élevé de carboxyhémoglobine entraîne une sous- estimation de la PPZ.

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